Nous tirons aujourd’hui plus que jamais la sonnette d’alarme sur la situation au Québec.
La consommation des produits de vapotage chez les jeunes, déjà fortement à la hausse depuis plusieurs années chez les élèves du secondaire, semble prendre un nouveau tournant que nous constatons auprès d’une nouvelle cible, les élèves du primaire. Cette réalité rend urgente l’interdiction des arômes.
Vapotage dans les écoles primaires : une nouvelle menace?
Présente au quotidien sur le terrain, notre équipe de prévention reçoit de plus en plus régulièrement des échos de la part du personnel et des professionnel.les de la santé œuvrant dans les écoles primaires. Le constat est aussi simple qu’alarmant : depuis le début de l’année scolaire en septembre dernier, ce ne sont pas moins de 16 demandes d’écoles primaires que nous avons reçues.
Le personnel et les professionnel.les de la santé sont particulièrement inquiets de la hausse de la consommation du vapotage chez les élèves du primaire. Des témoignages non isolés font état de la consommation de produits de vapotage dans les écoles primaires, et de problèmes d’initiation marqués.
Notre préoccupation est que ces 16 demandes ne soient que la pointe de l’iceberg et que la consommation de produits de vapotage soit déjà répandue auprès des élèves de primaire.
« Cela ne m’était jamais arrivé mais depuis 2 ans, je reçois des demandes pour l’arrêt du vapotage chez des jeunes élèves qui débutent leur secondaire 1. Habituellement, ceux que je rencontre me disent avoir commencé en 6e année et même, avoir pris leur première « puff » en 5e année », témoigne avec stupeur une intervenante avec qui nous sommes en contact, nous indiquant avoir connaissance que certains élèves vapotent dans les toilettes ou dans les classes.
Nous essayons de répondre au mieux face aux demandes du personnel et des professionnel.les de la santé, afin de les outiller pour faire face à cette nouvelle menace. Notre accompagnement passe par la suggestion des meilleures pratiques en prévention, par l’adaptation de notre contenu et de nos formations sur le vapotage, aux écoles primaires.
Les problèmes de consommation de produits de vapotage dans les écoles primaires étant particulièrement récents, notre accompagnement a cependant ses limites. « Le phénomène est tellement récent qu’on ne dispose pas encore de données probantes qui nous permettraient de travailler sur des outils et des accompagnements véritablement adaptés aux élèves du primaire. C’est pourquoi on doit rapidement penser à agir en recherche et développement d’intervention pour cette nouvelle cible » souligne Dominique Claveau, directrice de la prévention au CQTS.
Les milliers de saveurs exotiques disponibles, les coloris à la mode ou l’aspect technologique des produits font passer la vapoteuse pour un objet « cool » auprès des jeunes, voire inoffensif auprès des parents, qui ne sont pas toujours informés sur sa dangerosité. S’ajoute aux propriétés des produits de vapotage stratégiquement positionnées pour attirer les jeunes leur présence sous le même toit que des confiseries ou boissons sucrées dans certains magasins de vapotage, renforçant la confusion dans l’esprit des très jeunes élèves.
La crise du vapotage chez les jeunes
La nouvelle problématique dans les écoles primaires s’ajoute à la situation déjà alarmante dans les écoles secondaires, que nous constatons sur le terrain auprès des 90 écoles secondaires que nous accompagnons dans le cadre de notre Plan génération sans fumée (PGSF), programme qui s’attaque au tabagisme et au vapotage dans les écoles secondaires au Québec.
Pour rappel, à l’échelle du Québec, l’Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire (ETADJES) publiée en 2021 (1) révélait que 21% des élèves du secondaire avaient vapoté durant les 30 derniers jours. Par exemple, dans l’une des 13 écoles où nous avons implanté le PGSF depuis le début de l’année scolaire, ce pourcentage atteint 51%.
À l’échelle du Québec toujours, 38% des élèves du secondaire ont déjà utilisé des produits de vapotage. Ce chiffre peut également grimper jusqu’à 79% dans certaines de nos écoles. Et dans 8 des 13 écoles où le PGSF est implanté depuis le début de l’année scolaire, les données sont égales ou supérieures à celle du Québec.
Un sondage de Léger (2), commandé par le CQTS dans le cadre de la Semaine pour un Québec sans tabac démontre que 91% des répondants considèrent que l’utilisation des produits de vapotage chez les jeunes représente un enjeu de santé publique.
L’inaction entraînerait une nouvelle génération de jeunes vers la dépendance à la nicotine. Pour rappel, 90% des personnes qui vapotent utilisent une cigarette électronique contenant de la nicotine. Cette donnée est d’autant plus préoccupante qu’on sait que les personnes qui vapotent ont quatre fois plus de chance de fumer ensuite. (3)
Freiner la consommation des jeunes en interdisant tous les arômes
La situation démontre qu’il est urgent d’agir afin de freiner la consommation des produits de vapotage chez les jeunes. Le vapotage attire les jeunes notamment en raison de l’aspect sophistiqué des produits et des arômes exotiques.
Les saveurs constituant une porte d’entrée vers le vapotage, leur interdiction, incluant les arômes de menthe et menthol, est un levier prioritaire pour lutter efficacement contre le vapotage et détourner les jeunes de l’initiation. Un sondage réalisé par la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC (2021) révélait que 45% des jeunes et jeunes adultes qui vapotent affirment qu’ils arrêteraient de vapoter si les produits aromatisés n’étaient plus disponibles.
Si cette mesure fait partie du rapport du directeur national de santé publique Recommandations de mesures visant à mieux encadrer le vapotage (2020), auquel nous avons participé, nous l’avions émise bien avant.
Celle-ci était en effet entre autres motivée par la volonté de ne pas reproduire les erreurs commises par le passé. Instaurée en 2010, l’interdiction totale des arômes dans les cigarettes n’a été élargie qu’en 2016 au Québec et en 2018 au Canada pour les arômes de menthe et menthol. Cette mesure avait par ailleurs fait l’objet d’un mémoire que nous avions déposé au printemps 2022.
L’annonce de la création d’une taxe provinciale sur les produits de vapotage en décembre dernier a ouvert la voie, nous encourageons le gouvernement à poursuivre en interdisant tous les arômes de vapotage afin de ralentir cette crise et de créer des impacts majeurs sur la consommation de produits de vapotage chez les jeunes.
Sources :
(1) Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire, 2013 et 2019, INSPQ (2021)
(2) Rapport post-campagne Semaine pour un Québec sans tabac, Léger (2023)
(3) Interventions efficaces ou prometteuses de renoncement aux produits de vapotage, INSPQ (2021)